dimanche 15 janvier 2012

Cancer du sein

Cancer du sein : la prise en charge évolue à petit pas
Interview du Pr. Pierre Fumoleau du Centre Georges-François Leclerc (Dijon)

Le congrès de la société oncologique clinique américaine (ASCO) réunit chaque année les plus grands experts du cancer. Présent à Chicago en juillet 2010, le Pr. Pierre Fumoleau, Directeur Général du Centre de Lutte Contre le Cancer Georges-François Leclerc (Dijon) nous présente les principales avancées face au cancer du sein.
Doctissimo : Plusieurs études présentées dans le cadre du congrès 2010 de la société oncologique américaine se sont intéressées à la technique dite du ganglion sentinelle. Pouvez-vous en préambule nous expliquer le principe de cette chirurgie ?
Pr. Pierre Fumoleau : L'envahissement des ganglions lymphatiques situés dans les aisselles est la première étape vers le développement de métastases dans le cancer du sein. Pour l’éviter, on a longtemps associé l'ablation d'une tumeur invasive du sein (c'est-à-dire ayant commencé à infiltrer la glande mammaire) à un curage axillaire du côté atteint (ablation de la chaîne ganglionnaire).
La technique du ganglion sentinelle développée dans les années 1990 va prélever les premiers ganglions afin de les examiner et ne pratiquer le curage, que si ces premiers ganglions sont "atteints", s’ils contiennent des cellules malignes. Cette méthode moins traumatisante limite notamment les problèmes de lymphoedème ou "gros bras".
Doctissimo : Cette technique moins traumatisante est-elle aussi efficace qu’un curage axillaire ?
Pr. Pierre Fumoleau : Plusieurs études ont comparé ganglion sentinelle+curage systématique versus ganglion sentinelle et curage si nécessaire. La plupart ont trouvé une efficacité comparable entre les deux techniques1. Les résultats du plus large essai clinique baptisé NSABP 32 ont été présentés lors du congrès de l’ASCO 20102. Portant sur plus de 5 600 femmes pendant plus de 8 ans, cette étude n’a pas observé de différence entre les deux techniques en termes de survie globale (nombre de femmes ayant survécu à la fin de l’étude), de survie sans progression de la maladie ou de réapparition du cancer. Ces résultats confirment donc l’intérêt de la technique du ganglion sentinelle, moins traumatisante pour les patientes.
Doctissimo : Si les ganglions sentinelles sont atteints, un curage est donc normalement effectué. Mais cette procédure est remise en cause par une étude américaine pour les petites tumeurs…
Pr. Pierre Fumoleau : Lorsque la tumeur fait moins de 5 cm et qu’il n’y a pas de signe d'extension de la maladie en dehors du sein, le curage axillaire est-il nécessaire même si les ganglions sentinelles sont atteints ? Non, selon une étude américaine3 portant sur 891 femmes suivies pendant près de 6 ans. En d’autres termes, si la tumeur est de petite taille et même si les ganglions sentinelles sont positifs, les auteurs estiment qu’il n’est pas utile de retirer les autres ganglions, car aucune différence n’a été observée en termes de survie globale ou de réapparition de cancer.
Doctissimo : Est-ce donc la fin du curage axillaire pour ces petites tumeurs ?
Pr. Pierre Fumoleau : Non, car malgré sa qualité, cette étude présente quelques limites. D’une part, le nombre de femmes y participant reste limité (450 femmes dans chaque groupe). D’autre part, le suivi n’est que de 6 ans, or on sait que des récidives tardives peuvent se produire au-delà de ce délai. Une confirmation par une autre étude sera nécessaire avant que les pratiques changent dans ce domaine.

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